Ils parlent le bitcoin, investissent dans l’éther, convertissent en dollars… Mais parlent-ils le tulipe ? Offre, demande, spéculation, la crypto-monnaie n’a rien inventé du marché. Dès le XVIIème siècle, le cours financier de la fleur à bulbe régissait le marché – noir ou déclaré – jusqu’à devenir une véritable monnaie d’échange. De quoi faire fleurir quelques idées artistiques…
TULIPE OU BITCOIN : À CHAQUE ÉPOQUE SA MONNAIE
Insufflant poésie au monde du marché de l’art, l’Avant Galerie Vossen propose aujourd’hui une nouvelle exposition collective au nom corsé : « De la Tulipe à la Crypto Marguerite ». Un cours d’économie en bonne et drôle de forme sur les nouvelles valeurs et formes marchandes, où les peintures flirtent avec le crypto-art.
Mais alors, que diable les tulipes, le sablier et les billets ont-ils en commun ? Plus que vous ne croyez. Car tous incarnent, de près comme de loin, le caractère éphémère sinon insaisissable de la valeur du marché. Voilà donc les fleurs de Mona Oren prêtes à fondre comme cire au soleil aussi vite qu’elles ont éclos. Le sablier de Ronan Barrot évoque telle la Vanité bien connue, la fragilité évanescente des plaisirs d’ici bas… Au même titre que son portrait de Satoshi Nakamoto – le créateur présumé du bitcoin -, il est tracé à la craie, effaçable à la main. Quant aux billets, ils sont – au-delà d’une valeur clé en main – représentés par Jade Dalloul, à l’effigie des nouveaux maîtres du monde : Gates, Zuckerberg, Jobs et autres faiseurs de GAFA.
D’autres artistes, plus philosophes, prennent le marché au pied de la lettre. L’enseigne lumineuse de Prosper Legault détourne le pourquoi du bureau de « Change », offrant la possibilité au visiteur de changer de tout sauf d’argent. Pour lui, ce qui attire l’homme comme un moustique, c’est davantage la lumière de la ville et de ses magasins que ce qu’il s’apprête à y faire. Que ce qu’il se prête affaires.
LE PRIX D’ŒUVRES NUMÉRIQUES
Puisque nous sommes sur les jeux de mots, parlons de ceux que Louise Belin mêle à sa peinture. Avec « Tout doit disparaître », formule bien connue des braderies et liquidations de marché, elle affiche cette réplique en premier plan et efface le paysage sous-jacent. Tout doit disparaître, même les motifs de ses toiles. Valent-elles toujours leur prix ?
On ne peut enfin évoquer marché de l’art et art du marché sans faire monter la côte du crypto-art, pièces phares de l’exposition. Le concept ? L’acheteur acquiert une œuvre numérique et peut volontiers la revendre à condition de remettre 10 % de la somme à l’artiste. Selon les caprices de la Bourse, l’œuvre de Robbie Barrat, Bananakin ou Albertine Meunier peuvent donc valoir des centaines comme des milliers d’euros. Alors, investissement ou goût du risque ?
Inaugurée en 2019, l’Avant Galerie Vossen ne se distingue pas seulement en proposant au visiteur – et très subtilement à l’acheteur – des thèmes qui le touchent. Elle est enfin la première, et pour l’heure l’unique, galerie à accepter les crypto-monnaies comme moyen de paiement. Que voulez-vous : il faut vivre avec son temps.