Avec Rakajoo, Paris (re)trouve ses lettres de noblesse

L’artiste français anoblit les quartiers populaires de Paris avec sa toute première exposition personnelle à la galerie Danysz. “Les trois châteaux ?” Châtelet, Château rouge, Château d’Eau.

Crédit photo : Perla Msika.

RAKAJOO : LE PLUS CHAUVIN DES PARISIENS

En France, les châteaux font autorité. Versailles, Chambord, Chantilly… autant de noms à l’imaginaire nébuleux qui évoquent au plus tôt les froufrous et perruques de la Cour du roi, au plus tard les chevaliers et autres gibiers de chasse. Les vestiges de la noblesse française.

Des codes bien loin de l’univers de Rakajoo. La dernière fois que nous l’avions laissé, l’artiste à la touche manga et animés s’inscrivait dans l’exposition du Palais de Tokyo proposée par l’école Kourtrajmé. Brisant la glace, il avait questionné les relations entre polices et banlieues au prisme de ses portraits.

Voilà pourquoi « Les Trois Châteaux » – titre énigmatique de sa toute première exposition personnelle – nous a d’abord laissé perplexes. Que vient faire la noblesse dans une telle identité créatrice ? A cette question, Rakajoo répond presque étonné : « Les Trois Châteaux ? C’est Châtelet, Château Rouge et Château d’Eau » Fier de son terroir, le peintre est seigneur en son domaine : Paris.

Mais pas n’importe lequel. Avec cette nouvelle exposition à la galerie Danysz, l’artiste laisse de côté le Paris aseptisé des cartes postales pour rendre hommage à la capitale des récits communs. Son teaser publié sur Instagram le 5 mars dernieravait annoncé la couleur : mixantlittéralement Edith Piaf et Nqobilé – interprète sud-africaine – l’artiste masqué s’était pris au jeu de la danse sur les lieux dits de son inspiration. 

Rakajoo – Sur les Quais de Châtelet – 2021. Crédit photo : Perla Msika.

PARIS : CAPITALE COSMOPOLITE

Nous le retrouvons quelques semaines plus tard au vernissage de la galerie Danysz. Ce 19 mars 2021 – veille maudite de fermeture des galeries – il porte le dernier souffle d’un Paris en fête avant son retour au confinement. Larges, longues et petites toiles approchent une capitale sublimée par un instant T : l’animation marchande du Marché Dejean, le coiffeur appliqué à ses tresses, l’attente à quai du métro Châtelet, les têtes perruquées d’une vitrine full-fushia. Pas de démagogie, d’utopie, de mantra black-blanc-beurre servi en beau discours, les rues et les modèles sont ce qu’ils sont. Des personnalités et des histoires à raconter que Rakajoo peint comme il slamme.

Une vingtaine de peintures viennent honorer la pensée de l’artiste. Au sous-sol de la galerie – face à l’emblématique portrait de sa mère – résonne les mots d’une installation audiovisuelle : l’alter ego de l’artiste se met en quête de repères. Dans ces rues en noir et blanc où les héritages culturels se croisent, ce personnage masqué tente – encore et toujours – de créer du lien, fort – entre autres identités – de son récit afro-européen.

Ré-inaugurée ce 19 mai 2021, « Les Trois Châteaux » s’est vue prolongée jusqu’au 5 juin… non sans nouvelles surprises : Face à l’adversité, Rakajoo joue les têtus. Lui qui n’est pas à son premier obstacle, a profité de ces deux mois aux portes closes pour réaliser de nouvelles toiles. Comme si sous son pinceau, Paris n’avait pas dit son dernier mot. L’artiste couronne la ville sans poudres ni artifices et lui restitue, sans plus de cérémonie, ses lettres de noblesse.

Perla Msika

La Perle

Exposition « Les Trois Châteaux »
Du 19 mai au 5 juin 2021
Galerie Danysz
78 rue Amelot 75011 Paris
danyszgallery.com
Instagram : @rakajoo
@danyszgallery