Une ville aux accents ambivalents. Sublimée par des vues surplombantes et nocturnes de buildings. Dévorée par une nature luxuriante et sauvage. Telle est l’image dystopique que renvoie l’exposition « Dichotomies » à la galerie Wawi, spécialisée dans le street art. Un duo-show au croisement des œuvres de Wenc et Lorraine Motti pour contempler, jusqu’au 9 avril 2023, ce qui compose les paysages urbains.
DES PAYSAGES URBAINS
A l’origine – paradoxale – de cette exposition, une envie de faune et de flore. Le projet bifurque à la découverte du travail de Wenc, artiste peintre bruxellois, fasciné par la vue imprenable de son appartement depuis sa salle de bain. Aux frontières de l’abstrait, il peint sa ville de nuit, guettée par le souffle menaçant de l’obscurité, veillée par les lumières émergeant des fenêtres. Une chaleur humaine suggérée autant que la solitude des intérieurs nuit. Happé par les nocturnes de Wenc, on plonge dans la distorsion fascinante et terrifiante des rêves. Naissent alors les paysages urbains.
Encore faut-il les sortir de leur torpeur. Aux côtés des toiles de Wenc, celles de Lorraine Motti dont les scènes absurdes brouillent la distinction entre tiges, lianes et tentacules. La ville comme engloutie par une végétation revêche disproportionnée. La nature reprend ses droits, réplique classique. A un détail près : bien loin d’une dystopie tiraillée entre la science-fiction et les codes du surréalisme, un courant artistique des années 1920, la menace de l’équilibre de la biodiversité par l’activité humaine existe de plus en plus dans les consciences collectives. Dans les peintures de Lorraine Motti, on lit la catharsis d’une angoisse de l’effondrement. La nature s’extirpe de la ville froide et grisonnante pour grossir et grossir encore.
A gauche et à droite : Lorraine Motti. Centre : Wenc. Crédit photos : Perla Msika.
UNE FRESQUE À QUATRE MAINS
L’enjeu de ce duo-show, fusionner les langages. Grâce à l’accrochage, les deux artistes se répondent dans un dialogue entre mélancolie urbaine et résurrection du vivant. Inattendu tant du point de vue de la couleur que du dessin. Wenc mise sur le diffus et les couleurs criardes ; Lorraine Motti sur le détail qui tue et le monochrome tendance pastel.
Mais le pari fonctionne et trouve son point d’ancrage dans l’habituelle pièce maîtresse de la galerie : la fresque à quatre mains. Celle-ci prolonge l’espace de la galerie grâce à une perspective qui construit sous nos yeux un intérieur géométrique, ouvert sur l’extérieur et habilement orné des fleurs et bouquets de Lorraine Motti. Un moyen selon, l’un des galeristes, Jean-Paul Tran, d’impliquer davantage le visiteur.
Crédit photos : Perla Msika (gauche) et Galerie Wawi (droite).
L’exposition de « Dichotomie » s’inscrit, conformément à la stratégie de la galerie, dans la valorisation d’artistes émergents, parfois diplômés, souvent autodidactes. Des jeunes pousses méconnues ou connues des réseaux sociaux que les galeristes dénichent. Dans ce contexte, le prix des œuvres est, assurent-ils, décidé aux côtés des artistes et conforme à une démarche d’accessibilité du marché de l’art. Dans le cas du présent duo-show, les pièces de Wenc coûtent entre 120 et 1300 euros ; celle de Lorraine Motti entre 250 et 3500 euros.
La Galerie Wawi a été fondée en 2020 par deux entrepreneurs issus du monde la finance. Leur passion commune pour le street-art les pousse à se lancer ensemble. La renommée de leur galerie repose notamment sur le concept du « Drink and Paint » des apéros artistiques durant lesquels un artiste propose aux visiteurs des ateliers de peinture au sein de la galerie, autour d’un ou deux verres de vin.
