HERGÉ CONSACRÉ
Enchérir : un jeu d’enfant réservé aux plus grands ? C’est ce qu’Artcurial semble nous dire. En proposant aux adeptes du mystère à la belge d’assister à sa prochaine vente, « L’Univers du créateur de Tintin », la prestigieuse maison de vente aux enchères met à l’honneur une pièce unique : parmi 106 autres lots dédiés à l’espion à houppette, c’est pour le dessin original de la couverture du Lotus bleu – album iconique des aventures de Tintin – que les acheteurs viendront se battre le 14 janvier prochain à l’Hôtel Marcel Dassault, à Paris.
Estimée entre 2,2 et 2,8 millions d’euros, cette encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier fait déjà de l’ombre au record – déjà détenu par Artcurial – du dessin original de BD le plus cher du monde – 2,6 millions d’euros en 2014 pour une double page de garde des aventures de Tintin. Oui, encore lui. Si l’estimation haute est atteinte, c’est donc le Lotus Bleu qui viendra supplanter le record et consacrer, une fois de plus, le talent hergiesque.
LE LOTUS BLEU, UN TOURNANT POUR TINTIN
Outre sa technique soignée, son sens du détail et sa grande narrativité, ce dessin de couverture marque également un tournant dans l’histoire de Tintin. Confrontés à l’inconnu extrême-oriental, l’auteur et son héros apprennent ensemble à poser un regard honnête sur un monde et une culture qu’ils ne connaissent pas. Pour ce faire, Hergé s’aide de Tchang, ami et étudiant aux Beaux Arts de Bruxelles dont l’alter-ego éponyme du récit en question ne fait aucun doute. Ce dernier est à Tintin ce que Tchang – le vrai – est à Hergé : un guide chargé de beau réalisme.
C’est d’ailleurs avec cet album qu’Hergé touche, pour la première fois, au succès : après le Russie Soviétique et le Congo, Tintin se rend donc en Chine pour démanteler un trafic d’opium. Il va au péril de sa vie, confronter méfaits et menaces dans un contexte sous-jacent de tensions sino-japonaises. Pour la première fois, la bande-dessinée réunit petits et grands, usant d’instruction et de divertissement.
Point de vente néanmoins sans une petite controverse : mis à la vente par les héritiers de l’éditeur de l’album, Casterman, le dessin du Lotus Bleu a, selon ces derniers, toujours été entre les mains de leur ascendant. En effet, après avoir essuyé un premier refus de Casterman – qui en 1936, jugeait l’œuvre trop compliquée à imprimer – Hergé en aurait fait cadeau à Jean Paul, jeune fils de l’éditeur. C’est là que tout se complique : les ayants droits d’Hergé représentés par la société Moulinsart doutent quant à eux du cadeau en question – non dédicacé par ailleurs – et suggèrent que le dessin n’aurait en réalité jamais été rendu voire même discrètement emprunté. A mystère non élucidé, enquête toute chaude pour notre espion préféré. Reste à savoir : entre Covid et polémique, Tintin pointera-t-il finalement le bout de son nez le 14 janvier 2021 ?