Les Filles du Docteur March : fougueuse jeunesse

Pour cette adaptation, la réalisatrice Greta Gerwig s’arme des meilleurs acteurs de la jeune génération. Leur charme et leur complicité crèvent l’écran et renouvellent la saveur des films d’époque.

Les Filles du Docteur March – Greta Gerwig – 2019

A l’école de la culture, le cinéma, c’est un peu le premier de la classe : personne ne l’aime et tout le monde en est jaloux. Agacés par un sempiternel succès populaire, ses camarades ne manquent jamais l’occasion d’en faire le bouc émissaire. Aussi, chacun y trouve à redire : le théâtre critique son manque de noblesse, la lecture sa visuelle paresse ; quant aux expos, c’est bien simple, on ne mélange pas les toiles et les pellicules.

Mais c’est comme ça. Le cinéma, en bon procureur de frissons – quel qu’il soit – reste le chouchou des foules. Voilà pourquoi une nouvelle rubrique, à la demande de plusieurs lecteurs, se devait d’entrer en scène. Comprendre pourquoi, une fois les lumières baissées, dans la douceur d’un siège feutré, une singulière magie opère : celle du lien tissé entre acteur et spectateur au moyen d’images, de musiques et de répliques brodant de concert la tapisserie filmique.

UNE ADAPTATION VIVANTE ET ÉLÉGANTE

Et pour la grande première, rien de plus unanime qu’un classique. Avec Les Filles du Docteur March – titre original Little Womenla famille nombreuse redevient modèle à suivre. Exit les petites fratries où l’on ne s’amuse que trop peu. Retour à la Nouvelle Angleterre des années 1860 où Meg, Amy, Beth et Jo vivent leur quotidien comme une belle aventure. Au fil de rencontres et de péripéties, elles tracent tour à tour leur chemin vers la vie d’adulte.

Pour dépeindre cela, Greta Gerwig ne jure pas – et on l’en remercie – par la tendancieuse modernisation des histoires vues et relues. Du moins, pas frontalement. Elle s’arme simplement de bons outils de cinéma : Jeunes acteurs désormais plus talentueux que prometteurs, dialogues et scènes emprunts à une spontanéité plus réaliste et, en toile de fond, un Alexandre Desplat dont les musiques se font aussi discrètes qu’indispensables.

Décor planté. Place à la fougueuse jeunesse. Portés par un féminisme intelligent, comédiens et personnages ne demandent qu’à vivre passionnément. A ce sujet, Saoirse Ronan – en Joséphine intrépide – porte admirablement le cri du cœur de l’héroïne, laquelle soutient corps et âme, outrepassant son rôle de femme, le droit d’agir comme de penser. Mais c’est Amy – Florence Pugh – qui d’un ton assuré, donne une leçon de dignité à Timothée Chalamet – aka Laurie, éternel compagnon des soeurs March. Noble et digne, elle est celle qui affronte, sans même ciller, la réalité de sa condition. 

Outre une légère formalité théâtrale de première minute, le jeu d’acteur célèbre comme il se doit, plusieurs générations de rêves sur grand écran. Meryl Streep, Louis Garrel, Laura Dern, Emma Watson… Il n’est point de petits rôles, seulement de grands acteurs. Mention spéciale à Timothée Chalamet dont le charme juvénile sait définitivement s’adapter à toutes sortes de costumes. De l’armure en métal – The King – aux lavallières en velours, il projette l’illusion d’avoir toujours baigné dans son décor. Galant, créatif, décadent, il incarne, mieux que quiconque, les beaux jours du XIXème siècle

Nonobstant une série de sauts dans le temps, le film garantit une continuité sans embûches. Sa longueur s’apprécie. Gerwig prend son temps. Entre étreinte émue et crêpage de chignon, le spectateur se donne tout le loisir de voir peu à peu, les liens entre soeurs se consolider. Concurrence directe aux soeurs Bennet, Jane Austen peut aller se rhabiller ; car chez les March, il n’y a ni orgueil, ni préjugés. 

Bienveillant, chaleureux, jamais naïf, Little Women se fait l’antichambre d’une époque éprouvante. Baume au cœur serait peut dire. Sous couvert de divertissement, Gerwig répond à la période troublée, par une idée maîtresse : au sortir du Pathé à tête de coq, on aspire comme nos personnages, à tout tenter, tout créer, pourvu d’essayer.

Perla Msika

La Perle

Les Filles du Docteur March ( titre original Little Women)
Un film de Greta Gerwig 
Date de sortie : 1 er janvier 2020
Durée : 2 heures 15 minutes
Une nouvelle adaptation librement inspirée du roman de Louisa May Alcott
« Les Quatre filles du Docteur March » publié en 1868