Viens je t’emmène : l’absurdité pour confronter

Pour son sixième long-métrage, Alain Guiraudie revient à la comédie. Il décide de confronter le spectateur à ses contradictions face aux enjeux politiques de la France d’aujourd’hui. On retrouve à l’affiche Jean- Charles Clichet côtés de Noémie Lvovsky.

Illustration : Médéric, joué par Jean-Charles Clichet, cherche à séduire une prostituée mariée (Noémie Lvovsky).

À Clermont-Ferrand, un attentat a lieu place de Jaude en pleine période de Noël. Dans ce contexte anxiogène, Médéric, joué par Jean-Charles Clichet, cherche à séduire une prostituée mariée (Noémie Lvovsky). Cette histoire d’amour, interrompue par de nombreuses intrigues, tente d’amener les problèmes politiques en bas de chez nous en reprenant les codes du vaudeville pour les adapter à une réalité oppressante.

CLERMONT-FERRAND : DÉCOR DE LA FRANCE FACE AU TERRORISME

Alain Guiraudie tourne « Viens je t’emmène » en 2020, cinq ans après les attentats du Bataclan. Alors que le seul terroriste encore vivant de cette attaque, Salah Abdeslam, est jugé depuis le 8 septembre 2021, Alain Guiraudie nous plonge dans un Clermont-Ferrand, aux prises d’attentats commis sur la place Jaude, au pied de la statue de Vercingétorix ; personnage historique luttant contre la soumission du peuple gaulois, face à l’invasion romaine.

Ce parallèle pourrait donner lieu à une interprétation de sinistres présages. Mais, le réalisateur préfère se concentrer sur les réactions des différents personnages face au terrorisme : particulièrement sur le racisme anti-musulmans que subit le personnage de Sélim (Iliès Kadri), jeune rôdeur. Médéric, méfiant, décide finalement de l’inviter à entrer dans la cage d’escalier de l’immeuble sous les regards compatissants ou inquiets de ses habitants. Une ambivalence de sentiments très présente : aider le jeune garçon tout en continuant d’espionner ses faits et gestes. Cette contradiction du personnage principal donne lieu à des scènes loufoques autant qu’embarrassantes.

“LA COMÉDIE TENTE D’AMENER LES PROBLÈMES POLITIQUES EN BAS DE CHEZ NOUS.”

UN VAUDEVILLE À L’HUMOUR GRIMAÇANT

Sur la scène de la Cinémathèque, Noémie Lvosky (Isadora) annonce “Un film de désir où le désir n’est jamais où on l’attend.” Le désir est, en effet, présent. Traité de manière très frontale, les scènes de sexe et de nudité où les corps bedonnants et marqués par la vie apparaissent, laissent aussi une place à la tendresse

Mais, ces scènes laissent surtout place à une grande frustration : Médéric voit ses ébats avec Isadora sans cesse interrompus par les autres personnages, et tout particulièrement par le mari jaloux et violent de la prostituée. Cette frustration est partagée par le spectateur qui voit les gags se répéter rendant le rire de plus en plus grinçant. Cette succession de sketchs, tout comme l’insistance du personnage joué par Dora Tiller, de coucher avec Médéric rend la dénonciation des travers de notre société, peu intelligible voire grotesque. Si la comédie – qui a ouvert la section Panorama à la Berlinale 2022 – est donc portée par des dialogues originaux et des gags percutants, ses sous entendus politiques restent, eux, trop discrets et ses enchaînements décousus.

La Perle

 Viens je t’emmène
Un film d’
Alain Guiraudie
Date de sortie : 2 mars 2022
Durée :
1 heure et 40 minutes
Avec : Jean-Charles Clichet, Noémie Lvovsky, Illiès Kadri et Doria Tillier
Jean-Charles Clichet interprète un tout autre registre avec le personnage de François Duluc
dans la saison 2 d’OVNI(s), diffusée en ce moment sur Canal +