Juliette Gréco comme deux gouttes d’eau

La comédienne Annadré Vanier ressuscite l’âme et le visage de la chanteuse Juliette Gréco sur la scène du théâtre de la Contrescarpe. Une ressemblance troublante qui plonge le spectateur dans l’esprit de l’égérie de Saint-Germain des Prés et l’effervescence du Paris d’après-guerre.

Si Juliette Gréco et Annadré Vanier avaient eu la chance de se croiser à des âges similaires, la ressemblance aurait été déroutante. Crédit photo : Fabienne Rappeneau.

Au théâtre de la Contrescarpe, Annadré Vanier fait revivre l’iconique Juliette Gréco…Ou peut-être est-ce Juliette Gréco qui vit en elle ! Une plongée captivante dans les dédales de la folle existence, plus ou moins secrète, de l’une des muses du Paris d’après-guerre. Jusqu’au 20 mai 2023, un spectacle qui ne manque pas d’air(s).

UNE AFFINITÉ TROUBLANTE

Elle a son nez. La coupe au carré, et ses cheveux noirs de jais. Si Juliette Gréco et Annadré Vanier avaient eu la chance de se croiser à des âges similaires, la ressemblance aurait été déroutante. Avoir « un petit air de Juliette Gréco » génère de la curiosité. Dès les premiers instants du spectacle, Annadré  Vanier confesse d’ailleurs son désir, brûlant et instantané de la découvrir, dans les moindres détails. Au fil de ses recherches, son intérêt se meut en passion grandissante, voire envahissante. Il lui faut donc la convertir, la partager.

Annadré Vanier en fait ce spectacle, « Un petit air de Gréco », en forme d’hommage à celle qui, au-delà des ressemblances, reste une indéniable source d’inspiration. Les fins connaisseurs de Juliette Gréco seront sans doute troublés de retrouver en cette comédienne des marqueurs de se personnalité, éminemment reconnaissables.

Sa voix, ronde, chaleureuse et espiègle, son caractère, provocant et frondeur, son allure féline, sa volonté farouche de liberté et d’émancipation. Au gré du récit, les deux personnalités se mélangent, leurs humeurs se répondent, leurs combats (féministes) se croisent, leur amour pour la chanson française étincelle. Le spectateur, lui, se laisse prendre au jeu, dans un plaisir non dissimulé.

 “Sur un rythme effréné, le spectateur est emporté dans les dédales de la carrière de « la dame en noir » de Paname.”

Annadré Vanier et Nathalie Miravette dans “Un petit air de Juliette Gréco”. Crédit photo : Fabienne Rappeneau.

AU CŒUR DE LA VIE D’UNE ICÔNE

Pour qu’une biographie soit satisfaisante, il faut qu’elle regorge de détails. D’anecdotes croustillantes, de faits inconnus qui suscitent la curiosité et l’enthousiasme. Pour cela, point besoin de lecture, Annadré Vanier s’en charge. Sur un rythme effréné, le spectateur est emporté dans les dédales de la carrière trépidante de « la dame en noir » de Paname.

Le feuilleton, truffé d’histoires en tous genres, se révèle vite passionnant. On apprend ainsi sa discorde avec Edith Piaf autour de la chanson « Je hais les dimanches » composée par Charles Aznavour ; on plonge dans sa liaison scandaleuse avec le jazzman Miles Davis, dans son mariage avec le pianiste de Jacques Brel. On s’étonne de ses rencontres incroyables avec des philosophes, des poètes, des chansonniers…

Ses plus grandes chansons résonnent : « La Javanaise » composée par Serge Gainsbourg, sans compter l’inoubliable « Jolie Môme » de Léo Ferré. On dira même d’elle qu’elle était « la servante des poètes ». Gréco a des millions dans la gorge : « des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits et dont on écrira quelques-uns » écrivait un compositeur de l’époque. Le spectacle prendla forme d’un apéritif savoureux.

Crédit photo : Fabienne Rappeneau.

UN SPECTACLE HYBRIDE

« Un petit air de Juliette Gréco » se veut musicale avant d’être théâtrale. Un parti pris ingénieux, en accord avec le parcours de la chanteuse, qui a fréquenté tout au long de sa carrière, cabarets et jazz club de la capitale. Sur scène, Annadré Vanier est ainsi accompagnée du malicieux pianiste Stan Cramer (en alternance avec Nathalie Miravette). Un duo, complice, qui nous fait revivre l’ambiance intimiste des pianos bars de l’époque.

L’idée fonctionne d’autant plus que la petitesse de la salle du théâtre de la Contrescarpe, qui plus est en sous-sol, s’y prête. Certains moments semblent même emprunter aux codes du one-woman show, tant Annadré Vanier ponctue de ses ressentis, expériences et traits d’humour, le fil de ce récit biographique.

Le ton se veut vif, parfois incisif, mais manque d’un brin de profondeur et de poésie pour convaincre pleinement le spectateur. On regrette également que le divan modulable, seul accessoire présent sur le plateau, l’encombre sans réelle utilité et appesantisse la scénographie. Le piano se suffit à créer l’atmosphère. Lui seul permet à l’esprit de Juliette Gréco de renaître, « le temps d’une chanson ».

La Perle

“Un petit air de Juliette Gréco”
Du 19 avril au 20 mai 2023
Théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville 75005 PARIS
Auteur et metteur en scène : Annadré Vanier,
Michel Vivacqua et Rosalie Symon
www.theatredelacontrescarpe.fr
Instagram : @theatredelacontrescarpe