Avec Le Soleil de trop près, en salles ce mercredi, le réalisateur Brieuc Carnaille met en scène Basile (Clément Roussier), jeune adulte schizophrène, et Sarah (Marine Vacth), sa sœur qui tente de l’aider du mieux qu’elle peut dans cette épreuve de tous les jours. Un film qui creuse la quête de soi et les liens familiaux face à l’adversité.
UN RÉCIT EN TROIS ACTES
L’état de santé de Basile rythme le film, découpé en trois actes : 300, 600 puis 0 milligrammes par jour. L’évolution du dosage du traitement, celui du personnage principal, donne la cadence du long-métrage, et en filigrane celle de la relation de Basile avec sa sœur. La mise en scène de Brieuc Carnaille épouse le point de vue de son anti-héros, laissant le spectateur saisir par lui-même les subtilités du scénario. Immergé dès la scène d’ouverture dans les mensonges et la paranoïa de Basile, on découvre peu à peu la vérité sur son passé et sa maladie.
La rue de briques de Roubaix où loge Basile est le théâtre de ses sautes d’humeur. Le spectateur l’y observe parfois joyeux à l’excès, dansant en survêtement dans des scènes empruntées à la comédie musicale. Mais le titre du film est évocateur. En voulant enfin accéder au bonheur, Basile brûle les étapes – et ses ailes avec – donnant lieu à des scènes de désespoir brut. Les moments d’égarement de Basile sont ainsi illustrés à l’écran par un ciel noir de jais, expression imagée de ses angoisses. Cette même rue peut également enfermer Basile dans ses démons, dans une déformation de la perspective que l’on retrouve d’ailleurs en arrière-plan de l’affiche du film. La cheminée qui surplombe le quartier catalyse à elle seule les peurs de Basile et devient un personnage à part entière devant la caméra de Brieuc Carnaille. Face à l’instabilité émotionnelle du protagoniste, les habits donnent aussi des indications sur son état d’esprit : lorsqu’il revêt son survêtement fétiche, Basile retombe dans ses travers. Il s’abandonne alors à ses tourments, qui le conduisent souvent à un comportement violent aussi bien envers lui-même que les autres.
“AU GRÉ DES FRASQUES DE BASILE, SARAH ALTERNE ENTRE BIENVEILLANCE ET RÉPRIMANDES.”
ENTRE FRÈRE ET SOEUR : UNE RELATION TOURMENTÉE
L’amour que Sarah ressent pour son frère l’enjoint à le surveiller étroitement pour lui éviter les ennuis. Au gré des frasques de Basile, Sarah alterne entre bienveillance et réprimandes. Le sujet des clés occupe ainsi une place centrale dans l’œuvre. Ne cessant d’espérer un avenir meilleur pour Basile, Sarah n’ose pour autant jamais lui faire entièrement confiance. En lui donnant ou confisquant l’accès à son appartement, Sarah met aussi sa propre santé mentale dans les mains de son frère. On en vient à se demander qui est le plus tourmenté des deux.
Clément Roussier, qui a participé à l’écriture du scénario et pour qui Brieuc Carnaille a composé le rôle, s’abandonne pour sa part complètement dans le personnage de Basile. Les dialogues font la force du long-métrage, les échanges entre Basile et Sarah rendant hommage à toute la complexité de cette pathologie qui abîme autant le malade que ses proches. Pour Basile, la solution viendra peut-être d’Élodie (Diane Rouxel), qui lui permet d’entrevoir enfin un avenir stable.
Le Soleil de trop près suit à la lettre le mantra « show don’t tell » (montre et ne ne dis rien). La mise en scène, sobre, met en lumière le jeu du tandem composé par Clement Roussier et Marine Vacth, prochainement à l’affiche du nouveau film de Nicolas Bedos, Mascarade. Le film repose ainsi sur les épaules de ses deux acteurs principaux, chargés de transmettre les émotions contraires que provoquent leur relation passionnelle. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, le long-métrage s’efforce de décrire sans artifices les affres de la schizophrénie. En gardant toujours le lien à l’être l’humain au centre de son propos.
La Perle
Le Soleil de trop près
un film de Brieuc Carnaille
Date de sortie : 28 septembre 2022
Durée : 1 heure et 30 minutes