Pour ceux qui – comme moi – n’ont jamais parcouru le roman à 1000 pages de Frank Herbert, Dune c’est quoi ? En l’an 10191, Paul Atreïdes (Timothée Chalamet), un garçon aux pouvoirs mystiques, fils du Duc de la planète Caladan, est envoyé avec sa famille sur Arakis, sur laquelle se trouve l’Epice, la ressource la plus puissante de l’univers. Arrivés sur la planète qu’on surnomme Dune, tout ne se déroule pas comme prévu : les Atréïdes subissent l’attaque surprise des Harkonnen, une espèce guerrière sans pitié qui convoitent également l’Epice. Paul va devoir se dépasser pour sauver sa famille et se rapprocher des autochtones qu’on appelle les Fremen afin d’obtenir leur soutien.
UNE FENÊTRE SUR NOTRE PLANÈTE
On abordera la technique, le budget, le casting, la beauté, le spectacle mais parlons d’abord de ce qui nous touche. Parce que oui, Dune, malgré son grandiose, c’est d’abord des éléments simples et réalistes comme la relation mère-fils portée par Rebecca Ferguson et Timothée Chalamet. On perçoit une dualité en la mère qui a transmis ses pouvoirs à son fils mais qui redoute le jour où celui-ci va devoir les utiliser et assumer le rôle que la prophétie lui donne.
Parmi les références au réel, on trouve aussi la métaphore colonialiste et écologique que faisait déjà transparaître Herbert dans son roman et que Eric Roth, Jon Spaihts et Villeneuve ont tenu à conserver. N’oublions pas que le roman est paru en 1965 et qu’il est resté malgré son âge, très actuel. Deux puissances qui se font la guerre pour une denrée rare et qui forcent les indigènes à vivre cachés sous terre, c’est cette dimension qui a tout de suite attiré le jeune Denis Villeneuve, âgé de 15 ans : il découvre le roman pour la première fois, alors qu’il hésite entre devenir réalisateur ou biologiste. Fasciné – comme vous j’espère – par le voyage parmi les nombreux écosystèmes qu’offrait Herbert, il se décide et opte pour la caméra. On a du mal, nous aussi, à oublier les immanquables vers de sables, monstres gargantuesque et dévastateurs, qui sévissent et rappellent à l’homme, éternel exploitant des ressources, que la nature reste, malgré tout, la plus forte.
“VILLENEUVE SIGNE LE SERMENT TACITE D’OFFRIR À SES SPECTATEURS DU GRANDIOSE.”
Dune – Denis Villeneuve – 2021.
LE CHOIX DU SPECTACLE ET DE LA QUALITÉ
Après avoir réalisé les excellents Prisonners, Enemy et Sicario, le réalisateur se met donc à la science-fiction, et enchaîne Premier Contact et Blade Runner 2049 avant d’attaquer le monstre Dune. En s’attardant un peu sur son parcours et sur son dernier long métrage, on peut affirmer que Villeneuve a signé le serment tacite et « nolanien » – pour Christopher Nolan – d’offrir à ses spectateurs du grandiose sans oublier de leur servir un bon film. On ne nommera pas les quelques (centaines de) films qui se sont noyés dans leur océan d’effets spéciaux au détriment du scénario et de l’esthétique de leur œuvre. Notre ami Denis, lui, résiste au vice.
Aux autres qualités de réalisation qui unissent Nolan et Villeneuve, on peut louer leur amour pour le GRAND ÉCRAN – en majuscule ! – et pour les décors naturels. Dune est un voyage interplanétaire tourné dans quatre pays (Jordanie, Norvège, Hongrie, Émirats Arabes Unis) avec le moins de fonds verts possibles pour un rendu digne d’un tableau de maître.
On comprend mieux le courroux de Denis Villeneuve à l’annonce de la Warner Bros – société de production du blockbuster – qui a déclaré sortir également l’ensemble de ses films de 2021 sur plateforme streaming. Dune est fait pour la salle obscure un point c’est tout. Un format iMAX- format de pellicule de grande taille et de meilleure résolution – ferait même apparaître, comme il se doit, la mise en scène chorégraphique de Villeneuve.
Lecteurs dépassés, pas de panique : en dépit du foisonnement de cet article, le film prend le temps de mettre en place les espèces, familles et planètes que vous apprivoisez pendant plus de 2 heures 30 de film. Certains trouveront peut-être la mise en place un peu lente mais se consoleront avec la deuxième partie et sa suite qui sera, nous l’espérons, aussi spectaculaire que la première.
Point final et signature d’un film réussi : un casting choral emmené par un Timothée Chalamet qui assume son rôle, redonnant envie aux petits, grands et adolescents énamourés de se ruer vers les salles de cinéma. Installez vous dans votre fauteuil en velours rouge et contemplez : l’adolescent québécois est devenu roi de la colline.