Née à la fin des années 1960, Aline Dieu est la dernière d’une fratrie de quatorze enfants. Très tôt, sa famille se rend compte qu’elle a une voix à part et décide d’envoyer une maquette à un célèbre imprésario : Guy-Claude Kamar. Elle gravit dès lors les échelons et devient peu à peu une des plus grandes chanteuses de la planète. En parallèle de sa carrière, on assiste aux liens d’amour et d’amitié qu’elle tisse au fil du temps, notamment avec sa mère et surtout son agent, de qui elle tombe éperdument amoureuse.
LE PARI DE LA FICTION : UN PAS DE CÔTÉ VERS LA LIBERTÉ
Soutenue par sa co-scénariste Brigitte Buc, Valérie Lemercier a fait le choix délibéré de ne pas adapter la vie de la vraie Céline mais de créer un alter-ego de toutes pièces : Aline. Un choix qu’elle dit libérateur : libre d’inventer les détails qu’elle souhaitait et d’utiliser les éléments de la vie de la chanteuse selon ses envies – sans souci d’anachronisme. La bonne chanson, le bon gag, la bonne larme au bon moment sans coller à la stricte réalité.
Ne pas opter pour un pur biopic a aussi permis à Lemercier de s’intéresser aux aspects plus intimes de la vie de Céline (ou Aline ? Je me perds). En toile de fond magistrale, la carrière musicale fait honneur aux liens affectifs qu’elle entretient avec sa mère et son manager. Elle, qui a été découverte à l’âge de 12 ans, a toujours été le bébé de sa mère. Tant qu’elle le pouvait, celle-ci la suivait au bout du monde pour la soutenir ou qu’elle aille. La relation fusionnelle qu’elles partagent donne lieu à des scènes cocasses mais aussi à des séquences d’une douceur et d’une tendresse émouvantes. La relation qu’elle entretient avec son manager puis mari, peut – jeune âge oblige – déranger le spectateur lors des premières minutes. Mais c’est la pureté de leur relation qui prend rapidement le dessus.
Un décalage fictif qui n’empêche pas de largement s’inspirer de la réalité : les costumes d’Aline sont inspirés des tenues de Céline. Certaines phrases, percutantes, ont réellement été prononcées. Malgré un accent québécois volontairement léger, Lemercier incarne une Aline parfaite : tendre, drôle, amoureuse, passionnée.
“Lemercier incarne une Aline parfaite : tendre, drôle, amoureuse, passionnée.”
Aline – Valérie Lemercier – 2021.
UN CASTING ( QUÉBÉCOIS ) BLUFFANT
Moins célèbres que leurs voisins américains, les acteurs québécois n’ont rien à leur envier – à part les salaires peut-être… Valérie Lemercier a visiblement pris le temps de trouver ses comédiens. Chaque rôle compte, des plus importants aux moins présents. En mère d’Aline, Danielle Fichaud – directrice de l’équivalent des Cours Florent de Montréal – livre une performance mémorable. On sort de la salle bercé par son visage attachant et par sa personnalité aussi drôle que douce. Les journalistes ont tendance à ne pas s’avancer mais ça tombe bien, je n’en suis pas un. Aussi, je vous le dit : gardez son nom en mémoire, la saison des prix arrive à grands pas…
Comme ses co-stars féminines, Sylvain Marcel, l’interprète de Guy-Claude Kamar ( alias René Angélil ) est juste de bout en bout. Que ce soit au niveau de son interprétation ou de son physique, on le voit évoluer tout au long du film, du manager has been au mari et père de famille aimant. On sait pertinemment l’issue de leur histoire d’amour puisque René ( le vrai ) meurt, lui, en 2016. Reste qu’à la fin du film, on a toujours de la peine à le quitter.
Le père d’Aline ainsi que ses frères et sœurs ont beau être des rôles plus secondaires, ils tiennent une place absolument essentielle dans le récit.Ils nous montrent tout d’abord, que la musique tient une grande place dans la famille Dion (ou Dieu, je suis toujours perdu) et ce, bien avant la naissance de Céline. Les deux que l’on rencontre le plus souvent – sa soeur Jeannette et son frère Jean-Bobin et – incarnent le cocon rassurant qu’ont formé les proches de Céline ; l’une s’occupant de sa vie personnelle et l’autre de sa vie professionnelle, ils sont les garants de l’équilibre de leur soeur.
Chère Valérie, c’est votre tour. Grâce aux nouvelles technologies de de-aging – lesquelles permettent d’effacer les marques du temps sur un visage – vous avez choisi d’incarner Aline de ses cinq à ses cinquante ans. On reprochera malgré tout un physique quelque peu disproportionné pour le jeune âge d’Aline… Quoi qu’à côté de mon siège, j’ai même entendu un « c’est fou comme elle lui ressemble la petite, c’est peut être sa fille ! ». En risquant de vous casser les dents, vous parvenez néanmoins à bluffer le public. Vous vous êtes emparées de la personnalité de Céline et y avez ajouté votre humour. Vous avez réussi à créer une Aline attachante et naïve, une star qui ne néglige pas son rôle d’épouse et de mère. En gardant à l’esprit que durant le tournage vous aviez les casquettes de réalisatrice et d’actrice principale, on ne peut qu’être admiratif de votre énergie et de votre passion.
Fiction réelle ou biopic déguisé, Aline mélange les genres et nous transporte du début à la fin. On rit, on pleure, on chante et on découvre ou redécouvre la vie d’une star plus grande que nature. On s’attache à tous les personnages et particulièrement au couple Aline-Guy-Claude qui marche à la perfection. Fan de Céline ou non, Aline ira chercher votre coeur pour l’emporter ailleurs.