Don’t look up : l’inclassable histoire d’un déni cosmique

Avec Don’t look up, Adam Mckay nous offre une comédie cinglante dans laquelle tout le monde en prend pour son grade. Que ce soit les médias, les politiques ou les grandes entreprises technologiques : tous y passent. Sur Netflix le 24 décembre.

Don’t look up – Adam McKay – 2021.

Dans Don’t Look Up, Kate et Randall sont deux astronomes tout ce qu’il y a de plus normaux. Tout bascule le jour où ils découvrent qu’une comète de la taille de l’Everest se dirige vers la Terre et que son impact provoquera la destruction de la planète dans un peu plus de six mois. Ils décident alors d’alerter la NASA, le gouvernement et remontent même jusqu’à la présidente des Etats Unis. À l’annonce de leur destin fatal, certains nient l’existence de la comète, d’autres y voient une manière de faire du profit ; pendant que nos héros font tout pour sensibiliser la population et éviter l’extinction de l’humanité.

UN « FUCK TRUMP MOVIE » AVANT TOUT

On s’en rend très vite compte, ce film est une critique non dissimulée de l’Amérique de Donald Trump. Les similitudes entre le 45e président des Etats-Unis et la géniale Meryl Streep sont légions. Commençons par le plus évident : la présidente – qui a évidemment les cheveux d’un blond doré – nomme son propre fils, chef de son cabinet. Cela nous rappelle la jeune Ivanka Trump nommée conseillère du président pendant le mandat de son père. Jonah Hill joue un fils à maman prétentieux et tout aussi irritant qu’hilarant. Une peste qui idolâtre sa mère dotée d’une condescendance aberrante. Il livre une performance parfaite.

Tout dans l’attitude et dans l’état d’esprit du personnage que Meryl Streep joue, est une caricature fine et bien écrite du milliardaire propulsé chef d’Etat. Lors d’une scène dans laquelle la présidente s’exprime devant un stade rempli de ses partisans, elle finit son allocution en faisant une petite danse. Le président Trump avait, lui, terminé un de ses meetings de campagne en dansant. Et quand nos deux astronomes viennent à la Maison Blanche exposer la catastrophe à LA cheffe d’Etat, celle-ci ne songe qu’aux conséquences sur sa réélection et sur l’économie du pays – tout en niant les faits scientifiques qui lui déplaisent. 

Que ce soit pendant sa première campagne présidentielle ou pendant ses quatre ans au pouvoir, Trump a toujours nié le réchauffement climatique. La comète qui se dirige vers la Terre pour la détruire en est une métaphore à peine déguisée. « Don’t look up ! », répète la présidente des Etats-Unis à ses sympathisants afin de les détourner de la vérité fatale. Eux, la suivent, tête baissée, nageant dans un complotisme sans fin et dénué de sens. Un déni similaire à celui de Trump, en son temps de mandat, vis-à-vis de la communauté scientifique. 

Mais c’est durant la pandémie de Covid que McKay a ressenti le besoin de réécrire son scénario, trouvant la réalité plus folle que la fiction. Et pour cause : quand on entend à la télévision son président clamer que le Covid n’existe pas et qu’il suffit d’avaler de la javel pour guérir, on est en droit de se dire que le monde est plus fou que ce qu’on pensait.

Ce qu’Adam McKay a surtout voulu mettre en avant est la division de son pays. Démocrates contre Républicains, pro Trump contre pro Biden, pro armes contre anti armes… Quelques soient les terrains de mésentente, il retranscrit surtout la scission de la population orchestrée avec virtuosité par les réseaux sociaux, les médias et les politiciens.

“UNE CRITIQUE NON DISSIMULÉE DE L’AMÉRIQUE DE DONALD TRUMP.”

Don’t look up – Adam McKay – 2021.

COMÉDIE ABSURDE, RÉALITÉ DÉSOLANTE

McKay est coutumier du fait : il passe par l’humour pour mettre en exergue les absurdités de la société. Que ce soit dans ses premières comédies populaires ou dans ses deux derniers films – The Big Short et Vice – il part d’une réalité froide et désolante et la traite avec son style et son sens de la comédie bien à lui. 

Don’t Look Up est né de conversations avec des chercheurs spécialisés dans le réchauffement climatique. Lorsque l’un d’entre eux a utilisé la métaphore d’une comète dévastatrice se dirigeant vers la Terre alors que le monde choisit de l’ignorer, le réalisateur avait trouvé le sujet de son prochain film. Il est frappé par la différence entre le discours grave des scientifiques et le manque d’action de la population – et des hautes institutions. Selon le réalisateur, les faits exposés par les chercheurs sont encore plus alarmants que ce que l’on sait déjà sur le sujet. 

Ce n’est certainement pas un hasard si le Dr Randall Mindy, un des deux lanceurs d’alerte, est incarné par Léonardo DiCaprio. En plus d’être une légende vivante du cinéma, DiCaprio s’est illustré en tant qu’activiste contre le réchauffement climatique. Il n’a d’ailleurs pas manqué d’en parler lors de la réception de son Oscar en 2016.

L’immense Léo disparaît complètement pour laisser place à l’astronome anxieux, timide et transpirant. Un honnête scientifique, mari et père qui va se faire peu à peu aspirer par la tornade médiatique qu’il subit. Il est associé à Kate Diabiasky (Jennifer Lawrence) une doctorante en astronomie brute de décoffrage et bien moins introvertie que son confrère.

À ces observations, Mckay ajoute également la toute puissance des GAFA (Google Amazon Facebook Apple). Mark Rylance joue une sorte de Steve Jobs déshumanisé nommé Peter Isherwell et incarne le pouvoir des géants de la tech. La société d’Isherwell sort un nouveau téléphone doté d’une intelligence artificielle qui vous écoute en permanence et agit seul en fonction de l’humeur de son propriétaire. Le grand patron qu’est Rylance a même sa place au plus près de la présidente des Etats Unis et entretient avec celle-ci une relation hiérarchique pour le moins étrange. 

Dans son délire eschatologique, le film pose une question essentielle : Que feriez vous si l’on vous disait que la fin du monde approchait ? Iriez-vous réaliser vos rêves sexuels les plus fous ? Piller des magasins ? Ou simplement passer du bon temps en famille attendant que la mort vous sépare ? Le film y répond d’une certaine manière. Vous, chers lecteurs, vous ferez votre idée. 

Don’t Look Up est le troisième volet d’une trilogie politique commencée il y a 6 ans par Adam McKay. Génie de la comédie et homme intelligent et observateur, il nous fait cadeau pour Noël d’un film absolument unique, extrêmement drôle et d’une portée sociale immense. Joyeux Noël, bonne année et n’oubliez pas de scruter les cieux. Vous y verrez peut-être une comète… ou un gros barbu en rouge.

La Perle

Don’t Look Up
Un film d’Adam McKay
Date de sortie : 24 décembre 2021 ( sur Netflix )
Durée :
2 heures et 22 minutes
Avec : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep