Marcher sur les pavés du XVIIIème arrondissement de Paris en cogitant, observer l’église du Sacré Cœur nous dominer sous un soleil doré. Puis s’arrêter devant un théâtre : La Manufacture des Abbesses. Y entrer afin de découvrir une des pièces à l’affiche : « De l’ambition » écrite et mise en scène par Yann Reuzeau : Une histoire racontée au prisme de cinq amis, leur difficulté de faire des choix, au creux de cette période ardente et nébuleuse que représente la fin de l’adolescence.
CHANGER LE MONDE
On entre dans la salle : la scène est déjà habitée par les comédiens. Certains discutent et rigolent autour d’un tableau d’ardoise et d’autres restent dans leur coin. Tous nous proposent une porte d’entrée dans leur univers. Une salle de classe, la fin du lycée et le début de quelque chose qu’ils leur reste encore à trouver.
Car c’est ce dont traite « De l’ambition » : au départ de ces cinq singularités, cinq personnages de 17 ans et quelques. Au crépuscule de leur adolescence, il leur faut maintenant accepter que le monde dans lequel ils baignent depuis toutes leurs jeunes années, est sur le point de s’achever. Le plus compliqué ? Peut-être ce moment de flottement avant d’en trouver un autre auquel se raccrocher.
C’est ici-même que l’on retrouve Parvaneh, Léa, Eliott, Jonathan et Camille nager et se débattre dans l’espoir de trouver ce rocher – ou ce bout de bois – sur lequel ils pourront se reposer et se laisser guider. On se tient à côté d’eux, les observant défendre leurs premières prises de positions, encaisser leurs premiers émois, endurer leurs premières grandes déceptions. Nous les suivons au fil des scènes, chacun avec sa personnalité propre, sensibles à différentes réflexions… La quête d’un avenir, l’amour et ses confrontations, la peur du changement. Mais en toile de fond la même question surplombant leur existence : Et après ? Pour avoir ne serait-ce que l’espoir d’y répondre, il leur en faudra sans réserve, de l’ambition.
“SANS PEINE, LES CINQ JEUNES COMÉDIENS NOUS FONT CROIRE QUE CE SONT BIEN LEURS MOTS, LEURS GESTES, LEUR VIE, ET NOUS EMPORTE AVEC DÉLICATESSE AU SEIN DE LEURS TOURMENTS.”
Gaia Samakh et Clara Baumzecer. Crédit photo : Xavier Cantat.
NOS PLUS BELLES ANNÉES ?
Si la jeunesse des comédiens se fait parfois sentir sur scène, c’est aussi dans ces imperfections que se tisse l’intimité entre nous et leurs personnages. Sans peine, Julian Baudoin, Clara Baumzecer, Gaia Samakh, Gabriel Valadon et Inés Weinberger nous font croire que ce sont bien leur mots, leurs gestes, leur vie, nous emportant avec délicatesse au sein de leur crise – d’adolescence ou existentielle.
Au fil des intimités, on retrace avec eux les images de la fin de l’adolescence. Les minutes à attendre un professeur en retard, les soirées à boire des bières, danser ou jouer à la console, les après-midi interdites, à fumer avant les cours, les discussions au self autour de nos plateaux. Et puis les grands tournants. L’histoire qui sera à jamais celle de notre amour de jeunesse, les décisions qui feront les piliers de notre prochaine vie, après l’école, les amis que l’on gardera ou non pour la vie… Tous ces moments et étapes qui font le paysage de ces années, et que l’on regardera toujours avec un brin de nostalgie. Mais « De l’ambition »n’est pas une simple pièce sur nos années lycée : elle propose de se replonger dans cette période charnière de notre vie, qui impulse un élan aussi nouveau que terrifiant : l’ambition de s’interroger. Qui êtes-vous ? Où allez-vous ? Pourquoi faire ? Bienvenue dans le monde des adultes.