Avec “La prochaine fois que tu mordras la poussière”, Paul Pascot adapte le best-seller de son frère, l’humoriste Panayotis Pascot. Une heure et demi qui consacre les premiers pas de Vassili Schneider sur les planches.
À quelques minutes du début de la représentation, dans la salle du Petit Saint-Martin, le spectacle est déjà insolite. Partout, des têtes blondes, brunes, rousses, des chevelures fournies et des voix, rapides, mutines, aiguës, qui papillonnent gaiement et s’enchevêtrent. La moyenne d’âge ne doit pas dépasser les 30 ans. C’est rare pour une salle de théâtre.
Il faut dire que la pièce de ce soir adapte un best-seller adoré par la jeunesse. Plus de 200 000 exemplaires vendus l’an passé pour La prochaine fois que tu mordras la poussière de l’humoriste Panayotis Pascot. Incarné par Vassili Schneider, ce seul-en-scène raconte le passage à l’âge adulte d’un jeune homme mélancolique.
Une tranche de vie intime, à l’écho universelle. En parlant de son père, le personnage convoque l’histoire d’une filiation contrariée, entre l’acceptation de son homosexualité et la remise en question de la masculinité.
Seul en scène…ou presque
Les lumières s’allument. Vassili Schneider est assis face à nous. En sweat-shirt et veste en jean, des mèches de cheveux châtains ondulent sur son front. Seul sur scène, il joue le rôle de Panayotis Pascot, le narrateur de l’histoire.
Dans un décor de salle d’attente, il patiente, la mine légèrement déconfite. Son père, on le comprend, est hospitalisé dans une pièce voisine. Ses jours sont comptés. De cette condamnation naît la pièce. Un compte à rebours, une urgence, qui ouvre une brèche où s’engouffrent tous les souvenirs, les chagrins et les questions jusque-là refoulés.
Le voici qui sonde son passé, décolle les moindres plis de l’enfance, de l’adolescence et des événements récents. Une suite en 30 tableaux qui nous balade dans l’univers éclaté de ses souvenirs. Le père, figure colossale et énigmatique, est omniprésent.
Omniprésent, jusque dans les rangs de la salle. Soudain, un spectateur arrivé en retard avec fracas, prend la parole et répond au comédien. Un acte de sabotage ? Pas tout à fait. C’est le comédien Yann Pradal, qui, tout au long de la pièce, campe la voix du père. Son micro est relié aux hauts parleurs de la salle.
On entend ses murmures, soupirs profonds et mouvements brefs lorsqu’il se rencogne sur son siège, joyeux, abattu ou surpris, selon les chefs dont son fils l’accuse. C’est un langage de souffles et de frottements qui remplit les vides tendus entre ses interventions. Une présence latente qui hante en même temps qu’elle porte le comédien sur scène.
Ni tyrannique, ni violent, le père de Panayotis Pascot est tout au plus traditionnel, avec sa vision un peu passée du monde et des hommes. S’endurcir, ne pas “se faire baiser”, voilà ce qu’il a appris à ses enfants. Cette carapace où ricochent les émotions, le fils s’évertue de la percer tout au long de la pièce. Dans cet océan de pudeur infranchissable, deux cœurs irrigués du même sang, tentent de se parler.
Premiers pas au théâtre
Vassili Schneider a une gueule et un jeu bien à lui. Vu dans Le Comte de Monte-Cristo au cinéma, il jouait déjà un Albert de Morcerf profondément séduisant. Dans La prochaine fois que tu mordras la poussière, son interprétation est belle, agile, peut-être un peu potache. Cette moue enfantine qu’il arbore par-dessus son visage candide, front sans nuage et traits angéliques, nous éloigne par moments de la profondeur de son rôle. Du regard sagace et poétique de son personnage.
Chacun peut se retrouver dans ce personnage “qui ressemble à plein de gens finalement car c’est un fils” expliquait-il au micro de France Inter. Le comédien de 25 ans partage avec le héros de l’histoire, l’expérience de cadet d’une famille nombreuse. Sa prestation à l’équilibre ne verse pas dans un excès et peint le portrait d’un enfant du siècle. Un jeu dont le naturel manifeste nous permet de nous identifier. C’est aussi ce qu’évoque le metteur en scène, Paul Pascot. Le frère de Panayotis Pascot souligne que le “Je” du personnage raconte d’abord un “nous” universel.
En recentrant le récit de son frère sur son thème le plus puissant, la relation père-fils, Paul Pascot relève haut la main le défi de l’adaptation sans tomber dans l’écueil de la copie. Vassili Schneider et Yann Pradal réussissent quant à eux un échange nu et bouleversant. Le trio crée un beau moment humain qui atteint le spectateur avec force. Un presque seul en scène à fleur de peau, à l’image d’une génération qui s’interroge, sur scène et ailleurs.
Alvaro Goldet
La Perle
“La prochaine fois que tu mordras la poussière’ de Panayotis Pascot
Adaptation et mise en scène : Paul Pascot
Du 4 novembre au 8 mars 2025
Théâtre du Petit Saint-Martin
18 boulevard Saint-Martin 75010 Paris
www.portestmartin.com
Instagram : @theatredelaportesaintmartin