Jamais passée de mode, toujours flamboyante, la pièce mythique d’Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, s’invite au théâtre Montparnasse avec pour interprète principal, le comédien Arnaud Tsamère. Respectueuse et assumée, sa partition convainc là où la scénographie et la mise en scène d’Alain Sachs désillusionnent.
Cyrano de Bergerac, c’est un peu la madeleine de Proust de la littérature française. Le texte se lit, encore et encore et le théâtre ne compte plus le nombre de versions proposées. Difficile d’innover là où de nombreux comédiens et metteurs en scène se sont essayés, avec plus ou moins de succès.
Mais Cyrano de Bergerac continue de fasciner ses fidèles…et Alain Sachs a finalement répondu à cet appel ! Le metteur en scène en signe la mise en scène au théâtre Montparnasse, exauçant ainsi la promesse qu’il s’était faite, bien des années auparavant, de monter cette œuvre panthéon. Et comme un passionné en appelle souvent un autre, Alain Sachs offre à Arnaud Tsamère le rôle de l’iconique Cyrano, qu’il rêvait pour sa part d’endosser, en hommage à son père.
Arnaud à l’assaut de Cyrano
“C’est lui !” s’exclame d’abord un marquis. Première scène. L’excitation est palpable, rehaussée toutefois d’une pointe d’inquiétude : le public frémit, les regards sillonnent la salle, difficile de dire qui du personnage ou de l’acteur est le plus attendu.
Une cape virevolte, Cyrano entre en scène, drapé du panache qui, de tous temps, a fait sa renommée. Ceux qui connaissent l’humoriste Arnaud Tsamère le reconnaîtront aisément, prothèse nasale ou non, bien qu’un peu jeune et loin d’être disgracieux, le comédien assume pourtant son emprunt, dès les premiers vers.
Les vers sont l’âme de Cyrano ! De leur richesse, le personnage tire sa flamboyance, prêtant sa plume à Christian pour séduire Roxane dont il est secrètement amoureux. À cette verve onirique, Arnaud Tsamère y apporte son aisance verbale. Rien d’étonnant pour l’humoriste, rôdé aux exercices d’improvisation scénique.
Grâce à une maîtrise technique solide, le comédien livre une incarnation pleine d’ardeur et de vivacité. Telles des punchlines d’humour saillantes, les alexandrins fusent et Arnaud Tsamère s’en amuse. Quand se profile la tirade du nez, le public, tenu en haleine, n’a plus qu’à tendre l’oreille et s’en délecter : de la salle à la scène, le plaisir est partagé.
Avec humilité, Arnaud Tsamère embrasse ainsi le rôle-titre, le tenant d’un bout à l’autre de la représentation, sans faillir. En approchant Cyrano par le verbe, il se convainc à l’emphase, sans toutefois épouser toute l’ampleur de son panache légendaire. Son admiration manifeste pour ce personnage auquel il songeait tant, l’en retient-il ? Possiblement. Quoiqu’il en soit, si le pari était audacieux.
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— Théâtre Montparnasse 🎭 (@TMontparnasse) November 13, 2024
Il faut y remédier et vite !
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"Là où le bât blesse"
Ceux qui s’y sont frottés, savent. Mettre en scène Cyrano de Bergerac est un défi : profusion de personnages, de costumes, multiplicité des lieux, faste des descriptions, des cuisines de Ragueneau, du balcon de Roxane au camp de guerre d’Arras, le casse-tête est total !
Mais chez Rostand, l’atmosphère compte. Et voilà ce qui fait probablement défaut à cette version d’Alain Sachs, conçue dans la plus pure tradition classique. Empruntant au théâtre de tréteaux, cher à Molière, la scénographie peine à donner vie aux lieux emblématiques de l’œuvre et à l’effervescence qui y règne. Le choix des décors, un brin factices, quasi enfantins, y est sans doute pour beaucoup.
Alain Sachs opte pour un Cyrano aux allures de conte imaginaire, plus familial. Camille Favre-Bulle, rayonnante, y interprète une “Roxane princesse” dont le cœur s’emporte à la vue de Christian (Alexandre Bierry), un de ces charmants à l’air benêt. Dommage que ce drame romantique vire au drame romantisé tendance Walt Disney. Une réussite en demi-teinte pour ce Cyrano de Bergerac qui fait toutefois la part belle à la prestation d’Arnaud Tsamère, stupéfiant dans le rôle-titre.
Amandine Violé
La Perle
« Cyrano de Bergerac » mis en scène par Alain Sachs
Jusqu’au 31 décembre 2024
Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaité 75014 Paris
www.theatremontparnasse.com
Instagram : @theatremontparnasse