Graver l’intimité au musée Marmottan-Monet

L’exposition « Graver la lumière » explore la progression de la technique de la gravure à travers le prêt d’une collection inédite. Une plongée délicate dans laquelle la représentation de l’intimité et des corps tient un rôle central.

Un parcours qui célèbre l’intimité, dans un cadre sobre qui révèle la puissance d’expression des oeuvres.
Crédits photo : Les Petites brodeuses, Henri Fantin-Latour, 1898 / © Olivier Christinat, Lausanne

L’estampe est un art du paradoxe : technique privilégiée pour la diffusion des images jusqu’à l’invention de la photographie, elle est pourtant aujourd’hui peu exposée en raison de sa fragilité. Le musée Marmottan-Monet lui rend justice en accueillant 100 chefs-d’œuvre de l’estampe prêtés par la fondation suisse William Cuendet & Atelier de Saint-Prex. Jusqu’au 17 septembre, Le musée aborde ces œuvres à travers un parcours thématique célébrant l’intimité, dans un cadre sobre qui révèle leur puissance d’expression. 

Au creux d’une collection 

C’est une mise en scène douce et feutrée qui accueille le visiteur de l’exposition « Graver la lumière ». Les murs, peints dans une palette blanche et grise, encadrent des œuvres exposées dans une simplicité presque ascétique. Dès la première salle, le visiteur est plongé dans l’intimité de William Cuendet (1886-1958), pasteur suisse et grand collectionneur d’art.

Le regard sur les œuvres se fait différent, considérant non plus uniquement le travail de l’artiste, mais aussi celui du collectionneur, qui a patiemment rassemblé et fait dialoguer les images. « C’est tout un art,  écrivait Cuendet,  que de savoir regarder une belle feuille gravée […] pour en extraire le sens et les émouvants secrets ».

C’est la foi de l’homme, son intimité, qui se révèlent derrière son goût pour les estampes religieuses d’Albrecht Dürer et les scènes de prédication livrées par Rembrandt, tous deux artistes de la Renaissance. 

Au fil des salles, les paysages romantiques de Jean-Baptistes Camille Corot ou les autoportraits gravés de Camille Pissarro amorcent une démarche de plus en plus introspective. Les scènes d’intérieurs livrées à la fin du XIXème siècle par Édouard Vuillard et Pierre Bonnard achèvent de nous plonger au cœur de l’intime.

Petits formats pour de petits sujets du quotidien, les estampes incitent le visiteur à s’approcher, pour admirer dans ses moindres détails le travail technique minutieux de l’artiste. Par ce contact spontané, l’intimité avec les œuvres s’instaure immédiatement.

Le point d’orgue est atteint dans la salle dédiée aux prouesses techniques de la gravure. Le visiteur se sent comme accueilli dans un cabinet de curiosités privé, pour y découvrir la Sainte Face de Claude Mellan, époustouflante gravure réalisée en un seul trait circulaire de burin. L’Ange Anatomique, une des toutes premières estampes imprimées en couleurs, pousse la mise à nu jusqu’au dévoilement des os et des muscles !

Un dialogue avec la création contemporaine

La création contemporaine ponctue le parcours et participe, elle aussi, à la dimension globale d’intimité. Exposées dans les mêmes salles que les chefs-d’œuvre anciens, ces œuvres brisent toute barrière chronologique. Elles poussent ainsi le visiteur à entrer dans une intimité quotidienne vécue à toutes les époques.

Le choix minimal des couleurs des estampes, souvent basé sur le noir et le blanc, renforce leur caractère intemporel et bouscule les repères du visiteur. Ne plus distinguer l’ancien du moderne le pousse encore davantage à l’introspection.

Calme et intime, « Graver la lumière » propose une démarche rare, à rebours des expositions blockbuster. Si la réunion de ces 100 chefs-d’œuvre offre une véritable immersion, celle-ci n’est pas obtenue par une scénographie particulièrement originale ou une recherche du spectaculaire. C’est au contraire le dépouillement qui nous invite, face à ces œuvres fragiles, à entrer dans une démarche d’introspection… et à s’émerveiller des petites scènes de l’intimité. 

La Perle

« Graver la lumière. L’estampe en 100 chefs-d’oeuvre »
Du 05 juillet au 17 septembre 2023

Musée Marmottan-Monet
2 Rue Louis Boilly 75016 Paris

www.marmottan.fr
Instagram : @museemarmottanmonet_