Metteuse en scène de théâtre, Liesl Tommy signe un premier long métrage réussi. Le biopic musical Respect revient sur le parcours d’Aretha Franklin (interprétée par Jennifer Hudson), pour en faire un hymne à l’émancipation féminine afro-américaine, à la musique et au talent.
Respect, c’est le parcours d’une artiste à l’enfance cabossée, de « ses démons », dans une Amérique raciste et sexiste, avec son lot d’abus, d’addictions et de violences. Le filmretrace deux décennies de la vie d’Aretha Franklin, de ses 10 ans, en 1952, jusqu’à l’enregistrement de l’album gospel Amazing Grace, qui fera sa renommée internationale.
UNE ENFANCE ENTRE PRODIGE ET DRAME
Âgée de 10 ans et dotée d’une voix exceptionnelle, la jeune Aretha (interprétée par Skye Dakota Turner) chante du gospel dans l’église baptiste où son père (Forest Whitaker) prêche, ainsi que lors de ses réceptions privées. Tous reconnaissent déjà son talent et sa capacité à émouvoir les foules. Si elle vit dans un milieu privilégié, avec une famille qui encourage son talent, les ombres envahissent son enfance et la marqueront pour toujours. Ses parents divorcent, elle perd sa mère, et subit des violences innommables. Il faudra alors qu’elle se batte, à la fois pour sa survie et son talent.
Le film revient pendant un long moment sur cette enfance difficile, souvent peu connue du public et pourtant essentielle pour comprendre la personnalité de l’artiste et de ses chansons. Ces scènes sensibilisent et forment aussi la réflexion sur des sujets d’actualité. Projet lancé il y a plusieurs années, Aretha Franklin elle-même avait donné sa bénédiction pour que le film témoigne de son parcours, facettes sombres comprises.
“RESPECT, LE DOUBLE COMBAT D’UNE FEMME ET D’UNE ARTISTE.”
Aretha Franklin.
UN LONG COMBAT POUR LE RESPECT
Respect, c’est le double combat d’une femme et d’une artiste. Son parcours s’est en effet déroulé au milieu d’hommes autoritaires et parfois violents, qui l’infantilisent, sur fond de lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis. Malgré ce contexte, Aretha croit en sa musique et s’émancipe peu à peu pour faire entendre sa voix.
C’est le portrait d’une femme qui se libère du joug des hommes et s’impose pour faire reconnaître son droit à décider de sa vie et de sa musique. Cette lutte se fait parallèlement à la création de son propre style musical. On savoure simultanément la prise de pouvoir de la femme Noire, et la montée en puissance de ses créations. Ces combats des années 1960 résonnent encore aujourd’hui, avec les mouvements de libération de la parole incarnés par #Me Too et Black Lives Matter.
L’apogée du film se déroule en 1967, lorsqu’Aretha Franklin réécrit la chanson d’Otis Redding, parue deux ans plus tôt, qui a donné son titre au film. Avec elle, la chanson devient un véritable hymne féministe, le cri d’une femme qui demande à ce que les hommes la respectent. Elle donne aussi une voie d’expression pour la lutte des droits afro-Américains. Quelques semaines après la sortie du film, le magazine Rolling Stone vient d’ailleurs de classer le tube comme « meilleure chanson de tous les temps ».
Porté par son excellent jeu d’acteur, Respect nous plonge dans ce parcours d’émancipation, tant au niveau artistique que personnel. Et ça fait du bien. L’actrice et chanteuse Jennifer Hudson, choisie en personne par Aretha Franklin – disparue en 2018 – incarne parfaitement son idole. Le film dose bien les moments difficiles de la vie de l’artiste, présentés factuellement sans tomber dans le misérabilisme, et donne de l’espoir.
