Nina Childress, l’artiste multiface

La Fondation Ricard change de visage et invite Nina Childress à présenter ses œuvres : des (auto)portraits drôles, colorés qui lui permettent d’exprimer ses différents coups de pinceau.

BE(07) ( fourrure) – 2016. Crédit photo : Perla Msika.

S’intéresser à l’art contemporain, c’est un peu comme se balader au souk : on y trouve tout, même ce que l’on ne cherchait pas. Il faut dire qu’il y a le choix : au sein d’une cacophonie concurrente, galeries et fondations hèlent chaque jour, en bonnes vendeuses de marchandises, le visiteur en proie aux multiples trésors des étalages culturels. Approchez, approchez, il y en aura pour tout le monde.

Mais dans le tumulte d’une culture à consommer – entre peintures, sculptures, installations et immersions – il arrive que l’on tombe sur une pépite bien cachée. Ensevelie sous quantité de propositions culturelles, l’exposition encore ignorée d’une foule moins attentive, vient retenir votre attention d’observateur chanceux. Sans même négocier, vous saisissez l’occasion et poussez la porte d’une salle silencieuse où seules les œuvres viennent à parler. Une chance pour Nina Childress, artiste à la peinture bavarde.

Pluriel, criard, avisé, son coup de pinceau, célébré à la Fondation Ricard, oscille entre fascination colorée et malaise visuel. Sans faute de frappe, « Lobody Noves me » condense sur deux salles, le talent d’une vie, entre quête picturale, culture artistico-populaire et obsession de visages

ARTISTE MULTIFACE

Des tranches de vies traversées aux traits formels employés, Nina Childress, drôle d’oiseau libre de cage, s’illustre plus que jamais en artiste multiface. On ne saurait la définir sans craindre d’oublier d’en dire. Toujours est-il, ses Bad paintings se réclament d’un trash quelque peu enfantin, quand ses Good paintings illustrent une réalité plus douce au grain presque photographique. Comme Picasso en son temps – quelle malédiction, ce talent ! – Childress peint de toutes les manières, sans fausse route, ni pas de travers.

VIVRE ET CONTEMPLER

Inhérent à sa peinture, l’étrange paradoxe – mêlant à la distance hyperréaliste, un voyeurisme cocasse – s’avère en fin de compte à l’image de sa créatrice : anciennement punk révoltée, nouvellement quinquagénaire au look rangé. On devine la fougue, la passion, tempérée par l’esprit, la réflexion. Un art résolument féminin…

… que l’icône déchue vient consacrer : James Bond girl à la beauté fanée – Britt Ekland sous tous les angles – ou candide chanteuse récemment décédée – monumentale France Gall – la culture populaire se joint à une série d’autres portraits où l’humour freine toute tentative d’interprétation hâtive. Rire devant l’autoportrait au pince nez, devant Britt Ekland au naturel légèrement tiré, devant France, notre poupée bien aimée, c’est tout ce qui nous est demandé. 

Car ce qui intéresse Childress, ce n’est point l’interprétation de son œuvre, ni même l’art féminin ou féministe – au diable les étiquettes – mais la peinture. Rien que la peinture. Antichambre d’une société crispée par le sens, l’insinuation, le sous entendu, la Fondation Ricard s’offre alors au visiteur comme une suave échappatoire. Une trêve visuelle entre Madeleine et Concorde. Rien ne sert de creuser, dirait Childress, il faut vivre et contempler. 

Perla Msika

La Perle

Nina Childress – Lobody noves me
Du 17 février au 28 mars 2020
Fondation d’entreprise Ricard
12 rue Boissy d’Anglas 75008 Paris
Commissaires d’exposition : Eric Troncy
Site – Fondation Ricard : https://www.fondation-entreprise-ricard.com/
Site – Nina Childress :
https://ninachildress.com/