Louis de Funès, dans la fleur de l’art

L’acteur culte de la comédie française fait l’objet d’une rétrospective à la Cinémathèque. Un hommage au talent de Funès, dont le succès sur le tard, ne l’a jamais empêché de briller.

La Folie des grandeurs – Gérard Oury – © 1971 Gaumont

Petit, dégarni, éternel quinquagénaire, Louis de Funès n’a pu jouir du traditionnel et séduisant parcours de l’étoile montante. Comme appelé par les impatients guignards qu’il s’est bien souvent amusé à jouer, l’acteur s’est d’abord attardé sur l’épineuse route des figurants non remarqués et apparitions publicitaires en tout genre. Il dit ironiquement à ce sujet : « J’ai commencé en passant par la petite porte. Des portes j’en ai même beaucoup ouvertes ».

UN SUCCÈS QUI SE FAIT ATTENDRE

Peut-être est-ce cela qui, au fond, fait la véritable popularité de Louis de Funès. Non pas que ses « expressions » exagérées n’y soient pas pour quelque chose. Mais en fin de compte, ce que l’on aime chez De Funès, c’est aussi le happy end, la roue qui tourne, le succès qui se fait attendre mais qui – au terme d’un travail plus acharné que les critères physiques imposés – arrive en temps et en heure.

Dans la fleur de l’art, l’icône comique du cinéma français a donc court-circuité d’un coup de jus bien mérité le cap tant redouté – mais ô combien cliché – de la cinquantaine. Sur les chapeaux de roues, l’acteur (re)démarre et s’inscrit – comme peu l’ont fait avant lui – sur la liste des intouchables légendes vivantes. De Funès rien ne l’arrête, ni le temps qui passe…

… Ni même le confinement cloisonnant : après la réconfortante rediffusion télévisuelle de ses comédies lors de la triste hibernation nationale, voilà que la Cinémathèque fait des siennes et décide de fêter le déconfinement en rendant hommage à la star des Trente Glorieuses. Sourire nostalgique pour les uns, curiosité vintage pour les autres, l’exposition ravive le souvenir de ses comédies cultes et avec elles celui de la Citroën 2CV, du mobilier rétro et du poste de télévision premier cri.

Riche de décors et de costumes familiers, elle sait aussi fédérer son public en la très agréable sensation de passer l’envers de l’écran : on contourne sans embûche la voiture accidentée du Corniaud direction la rue des Rosiers, là ou les papillotes de Rabbi Jacob flirtent avec la robe dite grand panier d’une reine d’Espagne tout droit sortie de La Folie des Grandeurs. 

TARTE À LA CRÈME ET SECOND DEGRÉ

Comme une valeur ajoutée aux films de Gérard Oury ou de Claude Zidi, Louis de Funès enfile ce qu’on lui donne sans jamais s’effacer derrière le rôle qu’il se voit jouer. Fidèle à son caractère bien trempé, l’acteur a su s’imposer du plateau de tournage à l’écran de cinéma avant même que son personnage n’entre en scène. Preuve irréfutable : l’identité marquée des films de Louis de Funès dont l’appellation populaire fait état d’une catégorie à part entière. 

De ce fait, la Cinémathèque marque un point. Faisant lumière sur le paradoxe fondamental – mais tellement savoureux – qui animele talent de funesque, elle fait de cette exposition une véritable anthologie du genre comique : derrière le gag originel, celui des grimaces de corps et de cri, Louis de Funès tire un second degré plus implicite. Moquant tares, clichés et malaises de société, il condamne par le sort – et la caricature – l’avarice d’Harpagon, le racisme de Pivert, la fourberie de Saroyan. 

Efficace, la rétrospective Louis de Funès donne baume et réconfort à qui souhaite alors se remettre dans le bain des expositions. En ces temps de sourcils froncés, elle fait bien consacrer le génie comique d’un acteur dont les mimes et mimiques attestent du rire aux éclats et de sa place de choix dans les expositions de cinéma.

Perla Msika

La Perle

 Exposition Louis de Funès 
Du 15 juillet 2020 au 31 mai 2021
La Cinémathèque Française 
51 rue de Bercy 75012 Paris 
Commissaire d’exposition : Alain Kruger aidé de Thibaut Bruttin 
et de Serge Korber, conseiller du commissaire 
Réservation obligatoire. Billets en vente sur : cinématheque.fr et fnac.com