Je n’aime pas les églises. Ni le lieu, ni l’atmosphère qui y règne. Cette austérité ambiante, ce silence de mort… comme s’il ne fallait pas réveiller Jésus sur la croix. Et d’ailleurs, Dieu, dans sa grande sagesse, a eu le bon sens de ne pas me faire chrétienne. Ce qui règle en partie le problème. Quoi qu’il en soit, les églises, moi, j’aime pas.
Mais j’aime Paris. Ô combien j’aime Paris. Jamais l’Histoire, discipline poussiéreuse, n’a pu autant s’exprimer qu’au sein de la ville Lumière : Les pierres tricolores de la Place des Vosges sont celles qui ont été posées par Louis XIII. La Dame de Fer, plus jeune, fut la construction détestée des visiteurs de l’Exposition Universelle de 1889.Quant à Viollet le Duc, il a, en 1860, ajouté du gothique au gothique en posant, sur le toit de Notre Dame, une gigantesque flèche de plomb qui veille sur Paris. Pardon, qui veillait.
Aussi, lorsqu’hier, j’ai découvert, comme beaucoup d’autres, les images d’une cathédrale en feu, c’est pour ma ville que mon cœur s’est serré. Pour le paysage, pour l’architecture ; pour la photo qu’en fin de journée il nous arrive tous de prendre, sur le Pont neuf, sur les Quais ou ailleurs, immortalisant nôtre « quand même Paris, c’est beau. »
Mais j’entend déjà le simple voyeurisme arriver à grands pas. Comme si le spectacle des flammes n’était qu’un fait divers de plus, une story Instagram, un gros titre de chaine d’info. Comme si demain, la vidéo du chien qui tombe du canapé pouvait, d’un coup d’un seul, faire oublier ces images terrifiantes. Circulez, une fois qu’on a vu, y’a plus rien à voir.
Personnellement, j’aime à croire qu’il s’agit d’un signe. Pas un signe divin, non. Plutôt comme une sonnette d’alarme. Au feu les pompiers, la culture qui brûle. Et nous devant ce spectacle, forcés de se poser les bonnes questions : Qu’est ce que je savais de cette cathédrale, sinon qu’elle était là ? Est-ce que j’y ai même déjà mis un pied ? D’ailleurs, depuis combien de temps, est-ce que je ne suis pas allée au musée ? Bref, la culture, c’est comme tout : on ne se rend pas compte de ce qu’on a, avant de l’avoir perdu.
Pourtant, Notre Dame de Paris, au-delà de 850 ans de vécu et d’une architecture titanesque, c’est aussi un nombre incalculable de peintures, de romans – et donc d’adaptations cinématographiques-, de chansons, et même de jeux vidéo. C’est autant le cri déchiré d’Edith Piaf que la fureur épique de Quasimodo. Plus actuel encore, tant les graphismes d’Assassin’s Creed que la vision made in USA de Walt Disney.
Symbole de la culture française pour les uns, motif du postmodernisme pour les autres. Peu importe finalement. Pas question de laisser un maillon de la capitale partir en fumée. Bien sûr, nous avons les dons respectivement mirobolants des clans Pinault et Arnault – pour ceux à qui cela ne dit rien, un Lannister contre un Stark pour le trône de la culture. Mais, si d’aventure, il venait à certains de vouloir aider à la reconstruction de « Feu Notre Dame », la Fondation Avenir du Patrimoine ne refuse aucune petite participation. Pour que notre cathédrale parisienne n’entre pas tout de suite dans les archives nationales.