Toutes les musiques d’Olivier Py

Le directeur du Théâtre du Châtelet dévoile une programmation sous le signe du théâtre populaire.
Un défi ancré dans son parcours de dramaturge, comédien et metteur en scène.

Olivier Py est dramaturge, comédien et metteur en scène. Crédits photo : Eli Chicheportich

Il rêve d’un théâtre “à la volonté du peuple.” De publics qui se croisent, se rencontrent et se mélangent. C’est du moins ce qu’Olivier Py insuffle au théâtre du Châtelet. Directeur de l’institution depuis 2023, le dramaturge dévoile pour la saison 2024/2025, sa première programmation. Son regard de comédien et metteur en scène ouvre le champ. Olivier Py ne recule devant rien.

En tête des spectacles les plus attendus, l’adaptation en comédie musicale des Misérables attendu en novembre prochain ; mais aussi des Opéras, des ballets, des festivals de culture urbaine, de jazz et même des spectacles pour les enfants. La saison est lancée.

Vous prenez la direction du Châtelet pour faire de lui “le théâtre de toutes les musiques”. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

La musique, c’est fédérateur. Au Châtelet, il y a de l’Opéra, du rap, du jazz, de la comédie musicale, de la musique expérimentale. C’est ce qui fait la force et la beauté de cette maison. Le Châtelet est une maison ouverte, et nous rêvons à ce qu’il soit à la portée de tout le monde, pas seulement d’un seul public ou d’une seule catégorie sociale. 

Vous vous risquez donc à faire du Châtelet un théâtre populaire. Est-ce vraiment possible ?

Je suis très à l’aise avec cette idée là. C’est même pour cela que je suis venu. Le Châtelet tient d’ailleurs une place symbolique à ce sujet. Il incarne une forme d’art total ouvert à tous.

Certes, ce théâtre, à son origine, a vu naître des grands noms de l’avant garde comme Igor Stravinsky (1882 – 1971) ou des scandales comme l’œuvre du compositeur Erik Satie (1866-1925). Mais il y a toujours eu de grands spectacles plus consensuels qu’on allait voir en famille. J’aime cette double histoire que je ne crois pas incompatible. 

En ce sens, je ne cherche pas à faire la révolution. Je veux retrouver cet émerveillement que j’ai toujours connu. J’ai été, moi aussi, un spectateur du Châtelet. À 18 ans, j’y découvrais toute cette diversité. En un sens, je n’invente rien : j’hérite de cette histoire. C’est un héritage immatériel de relation avec le public, ou plutôt  avec des  publics, qui se croisent, et pourquoi pas, se mélangent.

L’esprit du Châtelet est donc tourné vers le grand public. Est-ce que vous espérez en programmant Les Misérables en comédie musicale ?

Les Misérables est la comédie musicale la plus jouée dans le monde….sauf dans un petit pays récalcitrant qu’on appelle la France (rire) ; et c’est dommage car c’est une oeuvre 100 % française : celle de Victor Hugo bien sûr, mais aussi l’adaptation dont la musique et le livret sont français (ndlr, Claude-Michel Schönberg à la musique et Alain Boublil et Jean-Marc Natel aux paroles).  

C’est une œuvre magnifique et bouleversante. On ne peut aller la voir sans finir en larmes (ou alors on a vraiment un cœur de pierre). Et cette musique ne demande aucune connaissance musicale : elle vous pénètre comme si vous l’aviez toujours connue

Le Châtelet n’est donc pas réservé qu’à un public d’initiés ? 

On n’a pas nécessairement besoin de références et d’outils culturels pour voir un opéra ou une pièce de théâtre. Il faut parfois prendre le spectacle avec ce qu’on a, et avec qui on est. J’ai été, moi aussi, un spectateur sans référence avant de devenir comédien

Il faut briser ces phénomènes d’auto exclusion : “Ce n’est pas pour moi” ; “Je ne vais rien comprendre”;  “C’est trop cher” ; “Il faut une robe du soir”… Je pense sincèrement que tout le monde peut tout voir…mais il faut les faire venir !   Il faut créer du lien. C’est la raison pour laquelle nous proposons aussi des tarifs très bas. Il n’y a qu’ici qu’on peut voir de l’Opéra à moins de 50 euros.  Et les moins de 28 ans ont toujours accès aux places à 10 euros.

Vous souhaitez agir au Châtelet “à la volonté du peuple”, comme le chantent les comédiens des Misérables. Considérez-vous cette ligne comme un choix engagé ?

Vous avez raison de citer cette réplique ! Et d’ailleurs, la chanson est jouée partout dans le monde quand il y a des mouvements sociaux et révolutionnaires. Quand on l’entendra en français, ici au Châtelet, on se rendra compte que le plaidoyer pour la justice sociale portée par l’œuvre de Victor Hugo, est encore valide. Et proposer ces œuvres au public, à un prix très bas, cela répond, en effet, à un projet personnel et intime que j’ai défendu auprès de la Ville de Paris au moment de ma prise de tutelle.

Au-delà de la direction du théâtre, vous allez aussi contribuer à la programmation. En tant que metteur en scène, et en tant qu’acteur…

Oui, je serai aux commandes de Peer Gynt (1867) qui n’est pas un, mais deux chefs-d’œuvre ! Une pièce absolument bouleversante dans laquelle il y  a tous les théâtres, avec à la fois des scènes comiques, et des scènes très profondes et philosophiques. 

C’est l’histoire d’un jeune homme qui voyage à travers le monde pour un parcours à la fois géographique et personnel. Cette pièce d’Henrik Ibsen (1828- 1906) est l’une des plus belles qu’il n’ait jamais écrite. Et, il a demandé à Edvard Grieg (1843 -1907), compositeur, d’écrire la musique. Une musique qui est devenue un chef-d’œuvre à elle toute seule. 

Cette fois, on aura les deux, avec la scène et l’orchestre. L’orchestre sera sur le plateau, avec des éléments de décors qui viennent et qui disparaissent. On alternera des scènes très spectaculaires, puis subitement, des scènes où il n’y aura quasiment plus rien. Juste un plateau nu.

Et comme acteur ? 

C’est un besoin que j’ai de revenir au plateau, à ma condition de saltimbanque. Je le fais à mes heures perdues, les heures les plus indispensables à notre vie intérieure. Dans le grand foyer, je vais donc jouer Miss Knife, mon alter ego créé il y a plus de trente ans. Je croyais m’en être débarrassé…Et bien non ! Je ne serai donc plus un directeur pendant quelques dates, mais bien une chanteuse – un peu dépressive – et un mélange de toutes les femmes qui m’ont inspirés. Miss Knife est une sorte de monstre (rire). Est-ce transgressif pour vous d’endosser un tel rôle ? Cela ne raconte pas rien pour un homme de jouer une femme. Transgressif, ça l’était, il y a trente ans. Aujourd’hui on vient voir ce personnage en famille.

Il y aura aussi des festivals…

Il y en a trois cette année, qui ensemble, vont investir plusieurs espaces du Théâtre. “Le Châtelet fait son jazz”, puis “Urban Châtelet” et enfin “Les Folies musicales” consacré aux musiques classiques. Ces moments sont, comme leur nom l’indique, des moments de fêtes. Et, en ce moment, nous avons bien besoin de nous saouler de musiques, de textes et de rencontres.

Vous ne négligez aucun public, y compris les enfants. Quel genre de spectateurs incarnent-ils pour vous ? Plus faciles ? Plus sévères ?

“Les enfants” ça veut rien dire Chaque enfant a une approche différente du spectacle. C’est ce qui m’a intéressé quand j’ai commencé à travailler sur des spectacles pour tous ; ce que je suis heureux de poursuivre au Châtelet. Toute l’année, il y aura des spectacles pour les enfants, dont certains commencent dès l’âge de six mois. En fin de compte, ils se posent exactement les mêmes questions que nous, adultes : sur la mort, le désir, la guerre…Et la force de ces spectacles, ce n’est pas de leur apporter des réponses mais de leur dire que nous nous les posons tous ensemble.

Nous vous interrogeons dans la grande salle du théâtre. Allez, avouez-le nous : quelle est la meilleure place où s’installer ?

Toutes les places sont bonnes ! Mais pour de vrai ? Cela dépend de ce qu’on veut. Des gens aiment être proches de la scène pour voir la sueur et sentir  presque les postillons des acteurs sur eux (rire). D’autres aiment voir l’image avec plus de recul. Moi j’aime celles qui sont au balcon, presque sur la scène. On a l’impression d’y être. C’est comme une proue de bateau, à deux pas du plateau.

Perla Msika
en partenariat avec le théâtre du Châtelet

La Perle

Théâtre du Châtelet
2 rue Edouard Colonne 75001 Paris

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